Le Centre Hospitalier de l’Ordre de Malte (CHOM) à Dakar au Sénégal, géré par l’Ordre de Malte France, est reconnu en matière de lutte contre la lèpre. L’établissement développe également des activités en chirurgie orthopédique et en dermatologie pour soigner notamment les enfants dont les cas sont souvent complexes. La Fondation Française de l’Ordre de Malte apporte une aide au fonctionnement des différents services de l’hôpital en 2024. Interview d’Emmanuel de Condé, Directeur du Centre Hospitalier de l’Ordre de Malte (CHOM).
Le Centre Hospitalier de l’Ordre de Malte est un centre de référence de lutte contre la lèpre, quels sont les services dispensés pour accompagner les malades ?
Le CHOM dispense de nombreux services dont le soin et le traitement des malades (sous traitements et guéris), la surveillance médicale post traitement, le dépistage autours des contacts, la prévention des invalidités secondaires à la lèpre, la réadaptation physique des malades porteurs de séquelles neurologiques ainsi que les stratégies avancées dans les zones endémiques de la lèpre.
Mais d’un point de vue plus général, le CHOM agit également dans l’accompagnement psychologique, la réinsertion sociale, l’appui aux frais de santé, la formation des acteurs sanitaires et sociaux, les travaux scientifiques et publication dans les revues, la participation aux congrès internationaux, la recherche opérationnelle ou encore le plaidoyer et les sensibilisations communautaires.
C’est cette action globale qui prend en compte tous les aspects directs et indirects de la maladie qui fait du CHOM, un centre de référence de lutte contre la lèpre.
L’établissement s’est également spécialisé dans la chirurgie réparatrice, notamment par la réalisation d’opérations orthopédiques, en quoi cela répond-il à un besoin prioritaire au Sénégal ?
En 2011, l’Institut de Léprologie Appliquée de Dakar devient le Centre Hospitalier de l’Ordre de Malte, se spécialisant alors en chirurgie réparatrice pour répondre aux besoins constatés. En effet, malgré de nombreuses avancées, la situation sanitaire et sociale au Sénégal reste caractérisée par une mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile élevée, par des défaillances dans la prévention et dans la prise en charge des maladies, et par une persistance des vulnérabilités. Une étude de faisabilité de 2020 nous indiquait que la prévalence du handicap dans le pays était, en 2017, de 6,5% chez les enfants de 1 à 17 ans.
En se basant sur le taux de prévalence (2% de handicap physique parmi les 6,5 % d’enfants handicapés), on peut estimer qu’environ 20 000 enfants souffrent de pathologies orthopédiques nécessitant des soins spécialisés. Cependant, très peu de chirurgiens ortho-pédiatriques exercent en Afrique subsaharienne, alors que 10% des enfants de la région sont admis chaque année dans des hôpitaux pour des indications chirurgicales (toutes chirurgies confondues). S’ils ne sont pas pris en charge, ces enfants sont condamnés à l’invalidité ou au décès.
La problématique reste donc la même pour les adultes n’ayant jamais pu bénéficier de soins au cours de leur vie.
Comment le Centre Hospitalier de l’Ordre de Malte est-il devenu un centre d’excellence pour assurer ainsi un niveau de soins très qualitatifs ?
Le CHOM est le seul hôpital spécialisé dans le traitement médical de la lèpre au profit de personnes atteintes à Dakar, en région et au-delà dans des pays limitrophes (Mauritanie, Mali, Guinée…). Que ce soit dans le cadre de consultations externes à Dakar ou via la mise en œuvre d’une stratégie avancée de dépistage dans tout le pays sous forme de missions de reconnaissance et identification de nouveaux cas, le CHOM ausculte près de 1000 patients par an pour un total d’une centaine de lépreux soignés et guéris. A la spécialité de la léprologie, il convient de rajouter désormais une offre de soins en dermatologie et allergologie.
De plus, la chirurgie orthopédique que nous pratiquons depuis notre virage stratégique en 2011 représente aujourd’hui, avec près de 1000 interventions annuelles, l’essentiel de l’activité hospitalière. Avec un taux d’auto-financement de l’établissement de plus de 75%, elle est devenue la spécialité principale de l’hôpital. Portée à un niveau technique d’excellence, à base de chirurgie prothétique (hanche, genou, épaule…), de chirurgie réparatrice des malformations du rachis et même, depuis peu, de chirurgie assistée par ordinateur, la pratique de la chirurgie orthopédique aujourd’hui au CHOM, en fait un établissement de référence unique en Afrique de l’Ouest, et ce notamment grâce au soutien de l’Ordre de Malte France.
L’expérience acquise dans ce cadre par nos 4 chirurgiens, dont 3 sont universitaires et se dédient également à des actions de formation, nous permet dès lors d’envisager des projets ambitieux comme celui déjà cité de chirurgie infantile. Il est également possible de poursuivre l’essor de l’hôpital qui pourrait également, à terme, se positionner comme un établissement de référence dans le domaine également sinistré au Sénégal de l’orthoprothésie.
La Fondation Française de l’Ordre de Malte apporte un soutien aux activités de l’hôpital, que va permettre cette aide financière ?
Depuis janvier 2022, un projet visant à améliorer l’accès aux soins orthopédiques pour les enfants en situation de handicap moteur et de vulnérabilité sociale est mené depuis le CHOM, au Sénégal, à Dakar et en région. Fort de son remarquable succès, avec plus de 150 enfants opérés et 100 chirurgiens, internes et DES formés, ce projet est désormais appelé à se poursuivre autrement. Une deuxième phase prévoit notamment la remise à niveau complète des infrastructures chirurgicales du Centre. Il s’agira donc de repenser la capacité et l’organisation opératoire de l’établissement : rénover et agrandir le bloc chirurgical de l’hôpital en passant de 2 à 5 salles opératoires. Afin de répondre aux importants besoins en ortho-pédiatrie identifiés dans la première phase du projet, le CHOM pourra poursuivre la prise en charge gratuite en faveur des enfants en situation de vulnérabilité en se concentrant sur 3 régions où les besoins sont particulièrement importants. Le Centre pourra aussi continuer le transfert de compétence au profit des futurs médecins et des chirurgiens au sein même des hôpitaux régionaux.
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