Témoignage de deux sœurs ukrainiennes accompagnées par l’association Les Champs de Booz soutenue par la Fondation

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Créée en 2003, Les Champs de Booz accompagne des femmes seules réfugiées ou demandeuses d’asile en cours de régularisation ou d’insertion à Paris. Avec le soutien de la Fondation Française de l’Ordre de Malte renouvelé en 2024, l’association aide les bénéficiaires dans toutes les démarches administratives et facilite leur intégration par l’apprentissage du français. Ces femmes qui ont connu des conditions de vie difficiles dans leur pays, retrouvent ainsi dignité et confiance en elles. Témoignage de Tetiana et Anastasia, deux sœurs ukrainiennes accompagnées par Les Champs de Booz, qui racontent leur courageux parcours depuis le début de la guerre.

Témoignage de deux sœurs ukrainiennes Tetiana et Anastasia
Tetiana et Anastasia
© Les Champs de Booz

Tetiana et Anastasia, quelles sont les circonstances de votre départ d’Ukraine ?

En février 2022, une guerre à grande échelle a éclaté en Ukraine. Nous n’étions pas du tout préparées à un tel tournant des événements et avons été choquées au début. Malgré l’incertitude, les explosions et la perte de communication, nous avons essayé de rester optimistes et de demeurer dans la ville de Kiev. Après qu’une ville voisine a été sérieusement bombardée, nous avons décidé de partir pour traverser cette situation difficile et nous sauver. À l’époque, nous pensions que ce serait temporaire, pour 2-3 mois. C’était en mars 2022. Depuis lors, nous ne sommes jamais retournées chez nous.

Comment avez-vous réussi à rejoindre la France ?

Au début de la guerre en Ukraine, une amie vivant en France depuis 15 ans nous a offert de nous accueillir à Paris. Quitter Kiev était presque impossible à cette époque-là : l’espace aérien était fermé, les trains d’évacuation étaient bondés et il fallait attendre sous les tirs pour monter à bord. Nous avons réussi à partir avec seulement deux valises et notre chat. Après avoir rejoint Lviv où des amis nous ont hébergées pendant quelques jours, nous avons trouvé un moyen d’aller en France via la Pologne. Après un long voyage en train de 26 heures, nous sommes arrivées à Przemyśl en banlieue polonaise. Finalement, grâce à des amis d’amis, nous avons pris un bus solidaire vers Paris. Ce trajet a pris encore 24 heures. Là, nous avons séjourné chez notre amie quelque jours avant de nous rendre au centre pour les réfugiés ukrainiens.

Une fois arrivées à Paris, comment avez-vous connu l’association Les Champs de Booz ?

Nous avons rapidement commencé à chercher une école pour apprendre le français, car nous ne parlions qu’anglais et nous nous sommes tournées vers l’association Pierre Clavier. Lorsque nous avons dû chercher un logement et que nous ne pouvions en trouver en raison de l’absence de contrat de travail et de revenus stables, la fondatrice de cette association nous a recommandé de nous tourner vers Les Champs de Booz. Nous craignions qu’elle refuse de nous accueillir à cause de notre chat mais nous avions décidé de ne jamais l’abandonner. Nous avons été très touchées par la compréhension et la compassion dans les yeux des bénévoles des Champs de Booz, qui nous ont alors accueillies ainsi que notre chat-réfugié.

En quoi a consisté l’aide des Champs de Booz soutenue par la Fondation Française de l’Ordre de Malte ?

La première rencontre a eu lieu dans l’ancien bureau de l’association. Nous sommes venues avec Gwenola, notre professeur de français, car nous ne pouvions pas encore tout comprendre par nous-mêmes à cette époque là. Ce fut un coup de foudre pour nous. Nous nous sommes senties en sécurité même si nous n’avions pas encore de chez nous, même si nous les voyions pour la première fois. Les bénévoles Tristane et Francine nous ont accueillies très chaleureusement, ont discuté de tous les points importants avec l’aide de notre professeur et ont convenu que nous devions attendre notre tour pour obtenir un hébergement. Nous avons eu de la chance car nous n’avons pas eu à attendre longtemps. Les Champs de Booz nous ont proposé un appartement de deux pièces dans le quinzième arrondissement de Paris.

Nous avons bénéficié de cet appartement pendant un an, ce qui nous a procuré une tranquillité d’esprit pour nous concentrer sur l’apprentissage du français et explorer les possibilités de réintégration sociale. Chaque mois, nous nous rendions à l’association et nous étions toujours reçues affectueusement par les bénévoles. De plus, Francine nous rendait régulièrement visite pour inspecter l’appartement, nous apporter son aide si nécessaire et nous soutenir. Grâce à l’aide de l’assistante sociale de l’association, nous avons été informées sur les étapes à suivre pour trouver un logement de manière autonome. Nous avons été orientées vers un programme de logement passerelle.

Comment s’est passé l’apprentissage du français ?

Dès le début, nous avons été informées des possibilités d’apprendre le français au sein de l’association. Cependant, étant déjà occupées avec nos cours à l’école Pierre Clavier, nous avons été orientées vers une autre opportunité intéressante. Dans le quartier où nous étions logées, plusieurs bénévoles de l’association Les Champs de Booz nous ont aidées à pratiquer la langue. Anne nous permettait de discuter pendant des heures sur divers sujets ; elle écoutait nos histoires, posait des questions et corrigeait nos erreurs. Nous faisions également des promenades ensemble et découvrions Paris. De plus, Christine et Gérard, un couple de bénévoles, nous invitaient régulièrement à dîner, où nous pratiquions la langue tout en découvrant la cuisine française et les actualités. Enfin, l’équipe des Champs de Booz organisait fréquemment des événements et des sorties avec nous et d’autres réfugiés favorisant ainsi les rencontres, le soutien mutuel et l’apprentissage linguistique. Cette immersion a grandement contribué à notre rapide progression. En un an et quelques mois, depuis le début de notre apprentissage à partir de zéro, nous avons réussi l’examen DELF niveau B2.2.

Comment voyez-vous à présent votre avenir et votre autonomie en France ?

Tetiana : Je prévois de poursuivre en France mon activité dans le domaine des relations avec les clients d’entreprise (organisation d’événements, ventes, communication, marketing). Je commence par les options les plus simples pour acquérir de l’expérience et obtenir de bonnes recommandations. En ce moment, je cherche activement un emploi. Ce n’est pas facile, sans diplôme français, sans expérience professionnelle en France dans mon domaine et avec une connaissance limitée de la langue. Mais je suis convaincue que tout ira bien, je juste dois faire plus d’efforts.

Anastasiia : C’est probablement la question la plus difficile pour moi. Si, il y a deux ans, j’étais pratiquement certaine que je rentrerais en Ukraine après la fin de la guerre, aujourd’hui, compte tenu des événements actuels et du fait que pratiquement tous mes amis se sont également dispersés, je ne suis sûre de rien ; sauf que j’ai décidé de ne pas mettre ma vie en pause et de commencer à la reconstruire ici. J’espère obtenir mon diplôme de Master 2 l’année prochaine, continuer à travailler dans mon domaine, en améliorant mes compétences, et avec le temps, lancer mon propre projet.
J’espère trouver un logement à plus long terme et continuer à tisser des liens, à me faire des amis, en maintenant le contact avec ceux qui vivent maintenant partout dans le monde également. Avec le temps, j’espère avoir la possibilité de rendre visite à mes parents restés en Ukraine, ou même de les faire venir vivre avec nous, lorsqu’ils seront prêts. Je prévois de continuer à apprendre la langue et la culture, en aidant ceux qui en ont besoin.
Je me rends compte que la France est le pays qui me correspond très bien en termes de valeurs. Il est important pour moi de faire quelque chose d’utile pour ce monde. Je crois qu’un jour la société réalisera qu’il n’y a rien de pire que la guerre et que ses conséquences sont très graves pour la société ainsi que pour l’écologie. Il faut les arrêter tout de suite. Oui, cela peut sembler utopique, mais l’idée de partager la paix, de la transmettre aux autres, m’inspire.

La Fondation Française de l’Ordre de Malte accompagne des actions de proximité ou des associations qui répondent aux besoins réels des personnes en difficulté.

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