Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre 2023, un terrible séisme a ravagé l’ouest du Maroc faisant plus de 3000 morts et environ 6000 blessés. Des centaines de milliers de personnes ont perdu leur logement. Beaucoup de sinistrés dont des enfants sont encore aujourd’hui dans une situation dramatique. La Fondation Française de l’Ordre de Malte apporte son soutien à un projet d’urgence mené par l’Ordre de Malte France et Caritas pour permettre aux populations isolées de bénéficier d’un abri et de passer l’hiver dans de bonnes conditions. Interview de Jean Pozzo Di Borgo, membre de l’Ordre de Malte qui vit au Maroc et qui a initié le projet sur place.
Pouvez-vous nous expliquer les conséquences dramatiques de cette catastrophe pour les populations ?
C’est la plus grande catastrophe naturelle que le Maroc ait connue depuis 100 ans. Les conséquences sont dramatiques pour ces populations particulièrement démunies. En quelques chiffres, c’est plus de 4000 morts, environ 10 000 blessés, 300 000 personnes sans logement dont 100 000 enfants. Le chiffre avancé est de plus de 2,5 millions de personnes impactées par ce séisme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! La quasi-majorité des victimes résidaient dans des villages, des hameaux très isolés et se trouvant parfois à de très hautes altitudes dans les montagnes de l’Atlas.
Quelles sont les urgences auxquelles les organismes humanitaires doivent-ils répondre ?
En tout premier lieu, il faut organiser les sépultures, le plus souvent sur place. Ensuite il faut secourir les personnes blessées et les acheminer dans les centres hospitaliers ou les dispensaires de campagne qui ont été érigés rapidement. La sécurisation alimentaire et l’acheminement de denrées comestibles font également partie des priorités. En effet, ces villages étaient déjà très isolés et pour certains uniquement accessibles à dos d’âne. Une fois ces deux éléments de réponses apportées, il faut dans les meilleurs délais possibles porter secours aux populations qui restent sur place pour qu’elles retrouvent un abri leur permettant de passer l’hiver dans de bonnes conditions. Dans un premier temps sous tente, et dans un deuxième temps dans des abris en structures légères qui seront chauffés et qui permettront de tenir jusqu’au moment de la reconstruction définitive des habitats.
Vous vivez au Maroc, avez-vous été affecté par ce séisme ? Comment s’est organisée votre mobilisation ?
Je vis à Marrakech avec ma famille depuis 20 ans. Marrakech se trouve dans la zone de l’épicentre du séisme mais à environ 70 km. Le séisme a été très impressionnant mais heureusement je n’ai pas été matériellement impacté par ce séisme. En revanche, ayant établi de très nombreux contacts avec des habitants des montagnes, je m’y suis rendu très rapidement à l’appel de mes amis, dès le dimanche matin. J’ai découvert à ce moment-là l’immensité de la détresse et j’ai pris conscience de l’importance de la réponse à mettre en place et de la rapidité avec laquelle il fallait réagir. Dans ces cas précis, il est nécessaire de très vite se rendre sur place pour établir un premier constat et agir. C’est ce que nous avons fait avec mon épouse, et avec l’ensemble des membres de Caritas au Maroc. Caritas bénéficie dans le pays d’une excellente réputation et travaille main dans la main avec les autorités marocaines avec qui nous avons de nombreux projets communs. 48h00 après le séisme, nous faisions acheminer par plusieurs convois hebdomadaires, des denrées alimentaires et des produits de première nécessité. Les populations, particulièrement choquées et démunies manquaient de tout. Nous nous sommes appliqués avec toutes les équipes de bénévoles à leur apporter un secours alimentaire, technique mais aussi du réconfort. Les enfants en particulier étaient particulièrement traumatisés.
En quoi consiste le projet mis en œuvre avec l’aide de la Fondation Française de l’Ordre de Malte ?
Le projet développé avec le soutien de la Fondation Française de l’Ordre de Malte est essentiel. Il consiste à réaliser avec l’aide des victimes elles même des petites cellules familiales sécurisées d’environ 12 à 15 m2, construites en panneaux isolant et structures métalliques. Les victimes du séisme deviennent avec notre appui technique et financier, les acteurs de leur salut et cela est essentiel à la réussite du projet. Ces espaces familiaux sont importants car ils permettent à chaque famille de retrouver de l’intimité, de sortir des tentes précaires dans lesquelles elles se trouvaient jusqu’à présent et de passer l’hiver dans de bonnes conditions. En effet, les hivers sont très rudes dans ces montagnes. Nous avons identifié deux sites en particulier qui feront l’objet de ce projet. Lors de la reconstruction définitive des villages, ces structures seront utilisées et transformées en structures sanitaires pour les écoles des villages.
Redonner à ces populations un toit, c’est rendre à chaque victime sa dignité, à lui redonner de l’espoir et à faire en sorte que les plus fragiles (personnes en situation de handicap, enfants, personnes âgées) puissent passer l’hiver dans des conditions acceptables.
Vous êtes membre de l’Ordre, que représente cet engagement pour vous en particulier dans ce contexte ?
Être membre de l’Ordre de Malte, c’est en premier lieu faire des charismes de l’Ordre, « Tuitio fidei et obsequium pauperum » sa devise personnelle et son guide dans la vie. Engagé avec mon épouse depuis presque 25 ans avec l’Ordre de Malte au service des plus fragiles, nous avons immédiatement saigné dans nos cœurs en voyant autour de nous, si près de nous, ces victimes innombrables et tellement fragiles. Les montagnes de l’Atlas sont peuplées depuis des millénaires par les Berbères qui vivent en harmonie avec la nature. C’est un peuple fier et altier qui montre dans cette épreuve terrible une dignité bouleversante et absolument admirable et une solidarité qui fait notre admiration. La solidarité est aussi un maître mot de l’engagement des membres de notre Ordre. Les Marocains sont un exemple en cela. Nous sommes solidaires des victimes de ce terrible séisme et nous nous efforcerons de tenir la main de ces populations longtemps qu’il sera nécessaire. Engagés immédiatement et répondre à l’urgence mais également engagés dans le temps, c’est cela être membre de l’Ordre aujourd’hui.
La Fondation Française de l’Ordre de Malte œuvre pour les exclus et les malades dans le monde.