Portée par 23 congrégations, Les Champs de Booz a été créée en 2003 et vient en aide aux femmes seules qu’elles soient réfugiées, demandeuses d’asile, isolées, en cours de régularisation et d’insertion. Avec le soutien de la Fondation Française de l’Ordre de Malte, l’association accueille en 2022 des réfugiées ukrainiennes à Paris. Interview de Tristane de Choiseul, Présidente de l’association qui présente l’accompagnement réalisé auprès de femmes venues de différents pays du monde.
Votre association Les Champs de Booz accompagne des femmes réfugiées ou demandeuses d’asile, d’où viennent-elles principalement ?
Nous accueillons autour de 100 femmes par an d’âge moyen de 25 à 30 ans, elles sont de tout niveau social : des diplômées universitaires à des analphabètes. Actuellement, ce sont pour la moitié des Tibétaines grâce à un accord entre le HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) et l’Etat français. Nous accompagnons aussi des femmes africaines (Cameroun, Niger, Guinée, République Démocratique du Congo, …) ou venant du Proche et Moyen-Orient (Syrie, Irak, Afghanistan… ), et plus récemment des femmes ukrainiennes. Certaines parlent français, d’autres non. Les femmes arrivent par ouï-dire ou par d’autres associations pour demander de l’aide car Les Champs de Booz travaillent en réseau avec de nombreuses associations.
Quelles sont les difficultés auxquelles elles doivent faire face le plus souvent ?
A leur arrivée aux Champs de Booz, ces femmes ont perdu leurs repères et ont un sentiment de solitude, elles sont sans famille, sans amis. Elles ne connaissent pas leurs droits et ont une méconnaissance des us et coutumes françaises, et de notre langue. Elles ne savent pas où aller pour se faire aider correctement et manquent d’argent, de logement. Certaines ont fait des études qui ne sont pas reconnues en France, elles avaient une profession dans leur pays d’origine, entraînant un déclassement social. Ces femmes rencontrent aussi des difficultés dans leurs démarches administratives hormis les ukrainiennes qui ont une carte de séjour immédiatement. Elles sont alors accueillies par deux bénévoles de l’association pour un entretien personnel afin de les écouter, discerner leurs vrais besoins, leur apporter un soutien moral, social et médical si nécessaire.
Quel est leur parcours de ces femmes ukrainiennes que vous accueillez en 2022 ?
Ces réfugiées sont venues en France par car, avion ou trains affrétés spécialement pour elles. Quand elles arrivent à Paris, elles sont dirigées en bus vers des centres d’accueil où des bénévoles les accueillent. Immédiatement, elles ont un permis de séjour d’un an, la carte vitale, la carte de transport Navigo gratuite. Puis, elles sont emmenées vers des grands halls qui leur permettent d’y dormir, de se laver, se nourrir. Elles sont entre 150 et 200 par hall. Puis elles sont dirigées sur toute la France. Une personne pour toute la région parisienne est responsable de toutes les propositions diverses et surtout d’hébergements. C’est donc extrêmement compliqué. Mai elles arrivent à sortir des ces halls et se renseignent sur des possibilités d’aide. Ainsi, sont-elles arrivées aux Champs de Booz. Ce sont des parcours et des permis de séjours inédits. Toutes les autre étrangères demandeuses d’asile n’ont pas ces facilités. Elles souhaitent repartir à 50% en Ukraine si la guerre se termine. Les autres ont tout perdu par les bombardements, ont peur des Russes et préféreraient rester en France.
Quelles sont les actions menées par votre association pour les accompagner ?
Pour les réfugiées ukrainiennes comme pour les autres, nous mettons à disposition des hébergements. L’association dispose de 21 lits dispatchés dans des appartements meublés en Ile-de- France, mis à leur disposition pendant un an. Enfin un endroit où ces femmes peuvent reprendre leur souffle ! Et reconstruire leur vie.
Nous avons aussi 4 lits en « appartement passerelle » pendant deux ans pour des femmes ayant un projet précis débouchant sur un métier. Une petite contrepartie financière leur est demandée. L’idée est de les habituer à ce que tout ne soit pas « gratuit ». Les aider, oui ; les assister, non !
Ces logements sont loués aux Champs de Booz par des bailleurs sociaux, des congrégations religieuses ou des particuliers. Le bail se fait entre l’association et le bailleur, jamais en direct avec les femmes. Malgré des baux à des prix très « sympathiques », cela s’avère lourd sur le plan financier d’où des demandes de subventions.
L’association propose aussi des formations pour améliorer la connaissance de la culture et langue française, des formations professionnelles, des études supérieures, etc. Les bénéficiaires peuvent suivre des cours de français dispensés par une bénévole ; et/ou être les dirigées vers l’apprentissage FLE (français – langue étrangère). Elles ont la possibilité d’avoir des consultations médicales ou un suivi psychologique car beaucoup souffrent d’un psycho-trauma.
Avez-vous de nouveaux projets en 2023 pour l’association ?
Le but premier de l’association, au-delà de son aide morale, sociale, culturelle et financière, est de permettre à ces femmes de gagner en autonomie afin d’être préparées à leur future vie. Mais la difficulté réside dans l’absence de logement social (plus de 10 ans d’attente à Paris) ou à des prix raisonnables. Ce serait donc d’obtenir des propositions de logements passerelles, d’hébergements, et quelques logements « classiques » à bas prix pour une durée de deux ou trois ans, voire plus ! Avec des financements, bien sûr ! Nous aimerions aussi développer les formations ou des stages en entreprises pour favoriser l’insertion professionnelle en étant épaulé par des spécialistes qualifiés pour mener à bien ces différents types d’action.
A noter que Les Champs de Booz n’a aucun salarié et n’a donc que peu de frais de fonctionnement. L’association est formée de 25 bénévoles dont trois groupes à Paris : 12 bénévoles au « Centre d’accueil » dans le 18e, 9 bénévoles à « La croisée des chemins » dans le 20e et 4 autres à « Saint- Lambert » dans le 15e . Ils accompagnent de façon très complémentaire et remarquable ces femmes.
La Fondation Française de l’Ordre de Malte accompagne des actions de proximité ou des associations qui répondent aux besoins réels des personnes en difficulté.